Une personne pose devant une fenêtre à l'étage qui a été brisée par des voleurs pour entrer dans le musée du Louvre
par Alessandro Parodi
PARIS (Reuters) -Le musée parisien du Louvre mettra plusieurs années à corriger les retards accumulés dans le déploiement de mesures de sécurité destinées à protéger ses oeuvres, dénonce un rapport publié jeudi par la Cour des comptes, qui appelle parallèlement à une meilleure maîtrise des coûts.
En janvier, l'établissement a lancé un vaste projet de développement incluant un nouvel espace dédié à la "Joconde" de Léonard de Vinci ainsi que de nouvelles mesures de sécurité pour ses visiteurs et ses collections.
Sa réputation a été ternie le mois dernier par un spectaculaire vol commis en plein jour lorsque des bijoux d'une valeur évaluée à 88 millions d'euros ont été dérobés.
Ce cambriolage a suscité un vif débat en France sur les failles de sécurité du musée le plus visité au monde. Quatre personnes ont été arrêtées dans le cadre de l'enquête, mais le butin n'a pas été retrouvé.
"Le vol de joyaux de la Couronne, survenu le dimanche 19 octobre au Louvre, et qui a suscité une émotion nationale et mondiale, est en effet venu accélérer la fin du calendrier de nos travaux", a déclaré le premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, lors de la présentation du rapport portant sur la période 2018-2024 marquée par des niveaux records de fréquentation (hors crise sanitaire).
"La Cour fait le constat que, durant toute la période, le musée a privilégié les opérations visibles et attractives - en particulier les acquisitions d'oeuvres et les réaménagements muséographiques - au détriment de l'entretien et de la rénovation des bâtiments et des installations techniques, notamment de sûreté et de sécurité."
SÉCURITE DÉFAILLANTE, DÉPENSES EXCESSIVES
Selon le rapport, seules 39% des salles du musée étaient équipées de caméras en 2024. Un audit de sécurité lancé en 2015 avait conclu que le Louvre était insuffisamment surveillé et mal préparé à une situation de crise. Ce diagnostic n'a toutefois débouché sur un appel d'offres pour des travaux de sécurisation qu'à la fin de l'année dernière.
"Ce n'est qu'en octobre 2025 que le musée a annoncé la notification des marchés de travaux, pour un démarrage prévu fin 2025 ou début 2026", écrivent les auteurs. "Le début des travaux prévus dans le schéma directeur de sûreté est annoncé par le musée au plus tôt pour le premier semestre 2026, mais plusieurs années seront nécessaires pour leur réalisation complète qui ne devrait aboutir selon le musée qu'en 2032."
"Le vol des joyaux de la Couronne est, à n'en pas douter, un signal d'alarme assourdissant : ce rythme est très insuffisant, ces délais sont beaucoup trop longs", a prévenu Pierre Moscovici.
La Cour des comptes pointe également des dépenses excessives liées à l'achat d'oeuvres et aux projets de relance post-pandémie, ainsi que des pertes de recettes dues à des inefficacités et à des fraudes sur la billetterie, qui ont contribué à l'incapacité du musée à moderniser ses infrastructures.
Même les initiatives de développement annoncées cette année n'ont pas été précédées d'études de faisabilité, ni techniques ni financières, et n'ont pas pris en compte les besoins en personnel, selon le rapport.
Parmi les dix recommandations formulées figurent une réduction des acquisitions, une hausse du prix des billets, ainsi qu'une refonte des infrastructures numériques et de la gouvernance.
Face au "sous-investissement prolongé" dont ont souffert les systèmes d'information, la Cour estime que "le musée doit renforcer sa fonction de contrôle interne qui reste peu développée à l'échelle d'un établissement de la taille du Louvre".
Les "conditions ne sont aujourd'hui pas optimales, c'est le moins que l'on puisse dire. Les espaces sous la pyramide n'ont été conçus que pour 4 millions de visiteurs, contre 9 millions désormais. Pour faire le lien avec notre premier constat, cela suppose donc que le musée donne une priorité claire à la modernisation de ses infrastructures d'accueil", a souligné Pierre Moscovici.
En réponse aux observations et recommandations émises, la présidente-directrice du musée du Louvre Laurence des Cars dit partager la plupart des recommandations de la Cour tout en déplorant que son rapport n'ait pas tenu compte du fait que la période de contrôle couvre à la fois la crise sanitaire ainsi que les Jeux de Paris 2024.
"Le Louvre regrette que ces deux éléments très impactants n'aient pas été pris en compte dans l'analyse que la Cour a faite de certaines décisions", écrit-elle.
(Alessandro Parodi, version française Nicolas Delame, édité par Blandine Hénauly)

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